06/09/2011
comme ci comme chat ?
" Au début des âges, les chats habitaient le corps des humains. Ils étaient leur part de sauvagerie, leurs restes de jungle. Chaque fils de Dieu avait son chat à lui, qui était sa liberté, sa réserve d'insolence. D'où des comportements souvent inexplicables chez les hommes : des ronronnements alanguis au soleil, interrompus brutalement par des fuites éperdues, des abandons aux caresses entrecoupés de refus, de colères, de coups de griffe, de blessures cruelles, aussi profondes et longtemps infectées que la jalousie. Le chat voulant sans doute par là signifier à son hôte, l'homme, que rien n'est jamais acquis et que l'on doit veiller toujours, jusque dans le repos.
Cette cohabitation ne dura pas : l'homme aspirait à plus de calme et le chat à moins d'autosatisfaction, moins de flatulences après le repas, moins de roucoulements attendris avant le coït et moins de fierté grotesque après. Bref, incompatibilité d'humeur. Un beau jour, les chats abandonnèrent le corps des hommes sans pour autant quitter leur voisinage, dont ils avaient pris l'habitude. "
" Les chats sont des mots à fourrure. Comme les mots, ils rôdent autour des humains sans jamais se laisser apprivoiser. Il est aussi difficile de faire entrer un chat dans un panier, avant de prendre le train, que d'attraper dans sa mémoire le mot juste et le convaincre de prendre sa place sur la page blanche.
Mots et chats appartiennent à la race des insaisissables. " (Erik Orsenna- Deux étés)
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10:27 Publié dans lectures | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : erik orsenna, brassens, vérités sous emballage
31/05/2011
café diem !
" Une vie d'homme coule rarement de la source à l'estuaire sans rencontrer une fois l'Occasion. L'Occasion se présente souvent, elle profite quelquefois. Il en est qui, voyant s'approcher cette femme dont les cheveux masquent le visage, oublient de saisir l'unique mèche qu'elle a derrière la tête, et manquent l'Occasion. Il en est d'autres, plus aguerris, qui savent s'en rendre maîtres : l'Occasion les comble de ses dons. " ( Olivier Bleys- Pastel )
Le temps me nargue... bac, brevet des collèges, copies, formations. Mes accus sont un peu déchargés et je roule sur la jante. Juste quelques jours pour que je bricole des émotions, des sensations et je vous reviendrai : )
10:06 Publié dans lectures | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : livre, musique, film, donnant donnant, bob lenox, daniel auteuil, medeea marinescu
07/11/2010
l'intelligence
Il y a des visiteurs qui arrivent sur mon blog en tapant "intelligence du coeur". C'est un syntagme picoré chez M. Lévy ( ben oui, je suis blonde, donc supposée nunuche, alors j'ai lu ! D'ailleurs c'est encore lui qui rameute le plus de lecteurs grâce à l'histoire du "bachert", merci M.L :) )
http://seletpoivre.hautetfort.com/archive/2007/10/08/defi...
Quant à l'intelligence tout court, aux définitions "techniques" des dicos je préfère celles de Frédéric Dard, réunies dans un texte envoyé par mon Phileas et que j'avais promis en suprise à EC. Le voilà:
" L'intelligence, c'est ce qui permet à un individu de communiquer avec tous les autres. Elle implique, non seulement la compréhension, mais également la bonté. Partant de là, j'affirme, je clame, qu'il n'existe pas de salaud intelligent.
L'intelligence, c'est la tolérance. Elle ne doit s'insurger que contre la connerie, lorsque la connerie atteint ses point culminants, qu'elle devient tyrannique, répressive, contraignante.
L'intelligence, c'est la main tendue, le sourire tendu, le coeur tendu. Elle se nourrit davantage d'amour que de culture.
L'intelligence, c'est la fantaisie. C'est le grain de folie qui ne doit jamais germer, mais qui pimente si bien la grisaille quotidienne.
L'intelligence, c'est la modestie foncière, la permanence de la notion de la fin dans l'esprit d'un homme.
L'intelligence, c'est la charité, c'est faire sienne la douleur des autres.
L'intelligence, c'est le respect de la paix sous toutes ses formes, c'est l'amour de ce qui est juste.
L'intelligence, c'est la mémoire d'un bonheur qu'on n'a jamais connu, mais qui nous sert d'espoir.
L'intelligence, c'est de dominer ses bassesses pour rester disponible.
L'intelligence, c'est regarder, entendre, toucher, humer, goûter le monde en tentant d'affiner ses sens au maximum pour en avoir une plus délicate perception. "
(Frédéric Dard)
Et pour vous, l'intelligence ?
( Léo Ferré, le misogyne adorable et insolent pour lequel "l'intelligence des femmes est dans les ovaires")
11:08 Publié dans lectures | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : frédéric dard, léo ferré
13/03/2010
lu lis liras
Je réponds enfin au tag de Léna de la petite crevette. C'est long, car lorsque j'aime je prends mon temps. Mais vous avez le droit de zaper ; )
J'ai commencé à lire à l'âge de 4-5 ans. Par procuration, bien évidemment. Ce fut la voix de ma mère qui, la première, me fit découvrir les contes et éveilla ainsi ma curiosité et ma capacité à l'émerveillement. A force de les entendre répéter, je les connaissais par coeur et je la reprenais à chaque fois qu'elle essayait de sauter les lignes. Je n'hésitais pas à la bousculer lorsque, de fatigue, le livre lui tombait des mains.
Plus tard, lorsque l'on allait "en ville", je choisissais toujours un bouquin, alors que mon frère jettait son dévolu sur des soldats et des voitures qu'il cassait le lendemain.
On trouvait difficilement de bons livres pendant le communisme, mais ma mère avait du piston auprès du libraire et en achetait par piles. Je brûlais de rentrer pour me réfugier dans ma chambre avec les nouvelles acquisitions. Et là, vautrée dans mon lit, j'en prenais un, j'effleurais la première de couverture, l'approchais pour en respirer l'odeur d'encre, l'ouvrais enfin pour m'y plonger pour des heures et des heures, jusqu'à ce que mon père se pointe et me couche de force.
A l'âge des premiers émois, cette évidence s'imposa donc à moi: j'avais trouvé mon amant idoine.
J'ai dévoré ainsi, trop tôt peut-être pour les comprendre, Zola, Maupassant, Balzac, Dostoïevski, Tourgheniev, Tolstoï, les auteurs de la "bibliographie obligatoire", les poètes, mais aussi les polars d'une écrivaine roumaine qui avait donné naissance à Mlle Mélanie, une adorable criminelle en série, aux joues rosies et au col de dentelle et qui feignait la pudeur. Amusée par sa façon d'agir, j'avais envie de dire à l'enquêteur : "Voilà ce que l'on peut faire avec des mots. Ce petit bout de femme vous mène par le bout du nez et vous ne voyez rien".
Je me rendais compte de l'étonnante puissance de la littérature, au charme de laquelle j'ai succombé irrémédiablement.
Au lycée, on n'avait la permission de sortir que le samedi. Un ciné, un gâteau, un bouquet de fleurs et un livre, voilà la destination de mon argent de poche.
Peu à peu, arriva le temps des auteurs au style plus précieux, ampoulé, de la littérature fantastique de Eliade ou de cet auteur difficile, misanthrope, renfrogné qui a toujours fui l'éclat des projecteurs, le bruit des trompettes, je parle de Cioran. Mais quel esprit, quelle profondeur, quelle précision de la pensée, des textes d'une densité telle qu'on ne saurait envisager d'en retirer un mot sans le trahir.
Vint le temps des dicos et des lectures en français, histoire de me rendre compte par moi-même si les traducteurs les ont bien servis.
Vint le temps des auteurs à la mode en France et ailleurs et dont mon éternel ami, JL, m'envoyait les livres, assortis de ses commentaires qui me laissaient admirative de son intelligence et de son esprit critique. Des histoires d'où émane un parfum de jadis, rassurant comme l'odeur des armoires à linge de nos grand-mères, cette odeur de lavande et de moisissure, de propreté et de blancheur, et que je lis tantôt souriante, tantôt les yeux embués et le ventre noué.
Des souvenirs d'enfance et d'adolescence font souvent surface lors de la lecture, véritable catalogue de petites nostalgies.
Lecture sans prétention et qui risque fort de tomber dans l'oubli. D'ailleurs, il y en a que je ne relirai jamais. J'ai même pensée à les offir à mes potaches, car mon combat actuel, la mission que je me suis moi-même assignée et de FAIRE LIRE, mais je crains que si je les présente comme de menues récompenses, ils ne me rient au nez. Quoi ! De la lecture ! Quelle idée saugrenue ! Elle ne pouvait sortir que de la tête d'un prof !
Comment je lis donc. C'était, en fait, la question et il me semble que ces digressions (vous en avez l'habitude), m'ont éloignée de ce dont j'avais commencé à vous entretenir.
Toujours dans l'intimité, en silence ou avec une musique en sourdine.
Presque toujours dans mon lit.
Allongée sur le côté ou adossée contre l'oreiller. D'ailleurs, il ne sert qu'à ça, car pour dormir, je préfère le creux d'épaule de mon amant.
Jeune, j'avais une aptitude obstinée à la lenteur, j'étais déjà douée pour l'attente.
A présent, je ressens comme une sorte de fièvre qui me parcourt à l'idée de ne plus avoir le temps de tout lire, ces écrivains que je croise sur vos blogs ou dans des extraits à l'usage des élèves. C'est frustrant , et c'est pourquoi il m'arrive de lire 2-3 livres en même temps.
Et bien que la lecture n'apporte pas toujours réponse à mes questionnements, elle permet à mon esprit de vagabonder, comme disait un cher ami.
"Dieu préserve ceux qu'il aime des lectures inutiles" pensait Baudelaire.
Alors que Jacques Perry, dans "L'île de l'autre" nous livre une analyse très pertinente sur la façon d'appréhender une personne en étudiant sa bibliothèque (je serais un piètre exemple).
"La vie n'est pas dans les livres", disait un ami de jeunesse.
Il n'avait que partiellement raison, car le livre offre souvent le récit d'une vie, vécue ou rêvée.
Parfois, dans le silence de la nuit, j'entends une voix surgir du lointain et je sens une main se promener dans mes cheveux et mélanger les lignes sur la page... Je m'évade et je m'endors sereine...
Voilà. La suite sur la façon d'écrire bientôt...
A ceux qui ont eu le courage de me suivre jusqu'ici, je souhaite une bonne lecture, en attendant la prochaine livraison comme on disait des feuilletons publiés dans les journaux au XIXème siècle.
Je vous embrasse.
Et je tague Ed, l'homme au bois dormant, Bérangère, Chriss, arachnée, Lancelot et ksénia.
J'attends impatiente le plaisir de vous lire : )
14:57 Publié dans lectures | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : livres, tag de léna, amour, vidéo
24/12/2009
Baby, it's cold outside...but...
Merci pour vos commentaires, merci pour vos passages et vos pensées
qui ont fait leur effet "petite madeleine" et ont remis du feu dans l'âtre.
Il y a dans la ville rose, comme partout, de l'effervescence dans l'air
et une atmophère propice à étancher notre soif de rituels.
Aligot, tartiflette, esgoulade, pain d'épices, macarons, bûche, guirlandes, manèges,
tariquet, galette, pain aux figues, mimolette, neige,
tout est bon pour s'émerveiller !
On frôle du doigt le bonheur, délicatement,
pour ne pas en enlever la touche de magie, l'émerveillement...
Mais c'est Noël! Un jour de fête, de charité, de joie. Allumons la flambée, sortons les dindes, le gibier. la charcuterie, les châtaignes grillées, les juteuses oranges... mangeons, dansons, rions! Une fois n'est pas coutume! Et la vie est si dure...
14:04 Publié dans lectures | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : noël, amitié, amour, magic
20/10/2009
Attraversiamo!
" Tu dois pouvoir mieux faire!" m'a écrit Alex Cessif dans un commentaire sur la note précédente. J'ai souri. Que de fois n'ai-je répété cette phrase à mes élèves! De plus, elle m'a ramenée, comme il m'arrive souvent, vers mes lectures; vers ce mot que les Italiens emploient souvent lorsqu'ils se baladent et qu'ils décident que c'est le moment de changer de trottoir. Drôle d'inconstance! Si ce n'est qu'un clin d'oeil enjoué à la routine. Serais-je Italienne, je valserai peut-être aussi avec la vie d'un trottoir à l'autre...
Mais que pourrait-il advenir à nos héros ? J'ai fouillé dans ma mémoire "littéraire" pour en ressortir plusieurs scénarios.
L'un d'eux, offert gracieusement par Camille Laurens, correspondrait parfaitement à la fleur bleue que je suis:
" Quelquefois, pourtant, je rêve au moyen de nous rejoindre. C'est en dormant, souvent- Morphée me berce et j'entrevois comment prolonger cet amoureux sommeil dont le dieu est un homme. Alors je vous vois- vous êtes au bord de l'oubli, mais je vous vois, vous tendez les bras vers moi, et moi je viens, j'avance vers vous qui m'êtes destiné- mon destinataire. C'est vous, c'est bien vous sur la rive opposée, la distance entre nous se réduit, bientôt s'annule, dansons, veux-tu, je te rejoins et tu m'étreins- ah serez-moi, emportez-moi- qu'on est bien, oui, qu'on est bien, dans ces bras-là!"
Soupirs. Yeux embués. Musique astrale.
Ou bien, cette version imaginée par ma Diva préférée, où le héros est torturé par moultes questions:
"Je la salue? Je passe mon chemin comme si de rien n'était ? Je patiente quelques secondes, serait-ce trop tôt ? Serais-je trop audacieux ? Et si elle ne me (re)connaît pas, si elle va se moquer de moi ? Bon, j'y vais maintenant et advienne que pourra, je sais que c'est lafemmedemavie. "
Mais il se peut aussi que ce soit elle qui traverse. Seulement voilà. Elle est superstitieuse, elle a l'âme de Mathilde d'"Un long dimanche de fiançailles" dévouée à un espoir insensé. Elle aime faire des paris et conjurer le sort.
" Si la première voiture qui passe est rouge, je traverse."
" Si le feu passe au vert jusqu'à ce que je compte jusqu'à dix, je traverse."
En procédant ainsi, elle prend néanmoins, comme Josephine dans "Les yeux jaunes des crocodiles", un grand risque.
" Un homme en duffle-coat, les cheveux mi-longs, châtains, les mains dans les poches, traversait sans se presser. [...] Il s'était retourné et faisait de grands gestes en montrant le feu qui allait passer au vert. [...] Une jeune fille mince, ravissante, s'élança vers lui et le rattrapa. Elle enfonça une main dans le duffle-coat et lui fit une caresse sur la joue de l'autre main. L'homme l'attira vers lui et l'embrassa.
Josephine baissa le nez et soupira. "
Franchement, j'avoue que c'est le scénario qui me tient le moins au coeur. Je lui préférerais de loin une rencontre "extebarienne" où l'héroïne croise un type bizarre à la barbe et à la tunique qui, mine de rien, lui file une boussole, signe qu'elle avait perdu le nord et qu'elle "ferait peut-être bien de bifurquer au lieu de suivre le sentier tracé" à son intention par les pas de cet homme à qui elle était restée enchaînée.
"Je le laisse s'en aller, je le laisse s'en aller..."
L'héroïne se dégarnit des souvenirs de lui comme une bougainvillée dont les pétales sont emportés par le vent d'autan, le vent des fous...
Dans une perspective toujours extebarrienne, ils pourraient se décider, tous les deux, au même instant, de traverser, afin de se rencontrer quelque part, entre Vénus et Mars, au milieu d'une ruelle et de vivre d'amour et de Prozac au bord de l'autoroute, jusqu'à ce que les démons du passé les séparent.
J'ai laissé pour la fin un scénario nimbé de magie, un drame sans mélo offert par Muriel Burberry. Après 53 d'existence en retrait, madame Michel semble avoir enfin trouvé une sorte de Kalos Kai agothos, cet équlibre parfait entre le bien et la beauté, amené par l'homme aux camélias, monsieur Kakuro, ami providentiel qui vient combler les différences qui les séparent et réunir les mondes respectifs. Féconder le temps de gouttes d'éternité tangibles et magiques en même temps.
Mais, au détour d'une ruelle, elle se fait renverser par une banale camionette qui la ramène à la réalité. Peu importe. L'amour l'aura rachetée.
Même si elle n'a pas la chance de l'architecte de l'un de mes chick-flicks préférés, interprété par Keanu Reeves, oui, elle n'a pas la chance d'être prévenue par un petit mot qui lui épargne une mort absurde et diffère sa traversée. " Alex wisely decides to remain on the sidewalk, splitting himself off from the original timeline. "
Comme j'aurais aimé que Meg Ryan soit aussi avertie par son ange dans sa maison du bord du lac Tahoe !
Essouflée par la diversité du champ des possibles, je me dégrise subitement.
Je ne suis pas un ange. Quoique.
Je n'ai pas le pouvoir de remonter le temps. Ni celui de rembobiner la vie.
Alors, Alex Cessif, tu as raison. On ne le répètera jamais assez : "Fais gaffe en traversant! " Même une ruelle. Surtout une ruelle.
A défaut d'être caressé par l'aile d'un ange, on peut être atteint par celle d'une camionette criminelle (pré)destinée à freiner notre élan et écourter une belle histoire "de chairs et de corps emmelés dans une transe inexplicable", un amour inaltérable et souple comme un superbe velours.
Voilà. J'ai essayé de faire d'une pierre deux coups. Cette note est, à la fois, un cadeau de bienvenue pour Alex Cessif et une façon de relayer le tag de Chriss sur mes auteur(e)s féminin(e) s.
envoyée par shellyblue 75
22:23 Publié dans lectures | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : c. laurens, l:extebarria, a.ferney, k.pancol, m.burbery, e.gilbert, le tag de chriss, amour, vidéo
28/09/2009
la médaille de Saint Benoît
Lorsque j'ai acheté cette médaille l'année passée, dans le monastère de Chevetogne en Belgique pour l'offrir en cadeau, je ne me doutais pas de ce que, étrangement, elle allait me revenir cet été, accompagnée du livre de K.Pancol, "Les yeux jaunes des crocodiles". Non, je ne vous en parlerai pas. Juste vous dirai que l'un des personnages, Joséphine, écrit un livre dont l'héroïne rêve de mettre en pratique la "règle de Saint Benoît" selon laquelle il y aurait plusieurs degrés d'abnégation, plusieurs échelons de l'humilité.
Depuis que je l'ai reçue, la médaille brille à mon cou, sauf quand je prends la douche. J'ai trop peur qu'elle ne rouille, bien qu'elle soit en argent. Et je me demande si moi-même je suis en train de marcher vers cette humilité... Aurais-je commencé de le faire il y a quelques ans, en Nouvelle Zélande, cette année où j'ai mis ma vie entre parenthèses, j'ai déserté mon podium de prof pour apprendre à me servir de mes doigts ? Je crois, j'espère au moins avoir appris à réduire en moi l'orgueuil, à force de travailler à côté de ces chers collègues qui gardaient naturellement leur sourire, alors que moi, princesse des petits pois aux ongles vernies de rouge, je pleurais sur mes plantes. Obligée de porter un masque pendant huit heures, je me sentais comme amputée de mes mots. Quoi qu'il en soit, mes yeux abîmés, mes mains brûlées, m'empêcheront à jamais de mépriser le travail "physique".
Amélie de pacotille "prédestinée aux larmes", je me croyais punie par une force supérieure. Et il y avait des moments où je détestais Cioran qui affirmait péremptoirement qu'on "peut passer du bonheur au malheur, le chemin inverse n'est jamais possible".
Je m'égare...Je vous assure néanmoins, Cioran et compagnie, ils n'auront pas ma peau. Au vent de mes pensées, je bâtis des songes sains protégés par l'amour. J'essaie de grimper une à une les marches de cet escalier, tout en me tenant bien droite. C'est rude, la frontière entre humilité et humiliation est tellement fragile...
Je ne saurais pas dire si cet état de grâce actuel, cette sérenité je les dois à mes larmes, à mes prières des nuits éveillées, à mon entêtement à courtiser l'amour jusqu'à ce qu'il m'enveloppe de son éclat ou... à Saint Benoît...
Mais je ne suis pas prête à lâcher prise.
Jeff Buckley- Grace
envoyée par pittigghiuzzu
10:26 Publié dans lectures | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : religion, foi, k.pancol, lectures, on ne l'apprend pas dans les livres d'histoire
14/09/2009
"Ma voyante me l'avait prédit !"
Ce soir une note déjantée car je viens de finir un livre offert par le Petit Prince et la Diva( "Mort aux cons"- Carl Aderhold), dans le désir peut-être de me rendre plus supportable la rentrée avec ses embûches. Une lecture apaisante, véritable dérivatif destiné à nous faire subir avec un détachement supérieur les contingences : la voisine qui met en marche son lave- linge à 7 heures du matin, l'autre qui joue de la clarinette en pleine sieste de dimanche, le gars qui t'engueule d'avoir pris "sa" place sur le parking public ou la collègue qui te fabrique un emploi du temps en lambeaux.
Un livre écrit avec un cynisme empreint d'humour grincheux, de remarques rock'n'roll par un type qui déteste les clichés, qui préfère le Gros Minet au joli Titi et qui s'ingénie à expérimenter l'effet thérapeutique d'une lame ou d'un revolver sur le sujet de ses questionnements et de son combat ardu : le con.
"Un concept très actuel.D'un nihilisme radical avec une petite touche de sarcasme gouailler. "
Après avoir établi quelques catégories : le con vecteur, le con citoyen, le con tracté, le con casseur, le con sensuel ou le con voyeur, par souci de précision il instaure des degrés dans leur niveau de connerie, " entre celui dont c'est héréditaire (le con génital), celui qui reste égal à lui-même quelle que soit la situation (le con stable), celui qui bat tous les records (le con sidérant ou le con primé) et enfin celui qui est guéri (le con vaincu).
Mais là, il formule de forts doutes...
Je vous livre un passage de son manifeste, un avant-goût prometteur de lecture peut-être:
" Après toutes ces années de lutte, pas même clandestine mais anonyme, il m'a paru nécessaire de passer à une nouvelle étape: faire connaître mon combat auprès de l'opinion publique. Passé le premier moment de stupeur, les gens ne manqueront pas de s'interroger sur la nature et le sens de mon action. J'espère ainsi que mon manifeste provoquera un choc salutaire et aidera à une véritable prise de conscience. N'étant pas violent par nature, je ne souhaite pas que d'autres prennent le relais de la lutte armée, mais plutôt que se crée un mouvement politique de masse, anti-cons.
Il y a aussi une autre raison, plus pragmatique, à la publication de ce manifeste. Ma longue expérience en la matière me fait dire que, contrairement à une idée répandue, les cons ne sont pas réformables. Les campagnes de prévention ou les actions pédagogiques n'ont pas de prise sur eux. Une seule chose peut les amener non pas à changer, mais du moins à se tenir tranquilles: la peur. Je veux qu'ils sachent que je les surveille et que le temps de l'impunité est révolu. J'ai bien conscience qu'en agissant ainsi je prends un risque: il ne faudrait pas qu'un con averti en veuille deux, ce qui rendrait ma tâche encore plus difficile."
Et un petit conseil avec votre permission: si vous portez un uniforme, si vous êtes un DRH ou un prof aigri, un fonctionnaire hautain ou une femme qui n'arrête d'asséner à son amant des clichés sur les traumatismes de l'enfance et les rapports avec les parents qui entraveraient sa chance au bonheur, un partisan de la réforme à tout prix, méfiez-vous.
On ne sait jamais quelle idée saugrenue peut sévir dans la tête d'un rattrapeur de torts qui, dans un moment d'élan caritatif, se chargera de vous faire zigouiller.
21:17 Publié dans lectures | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : les choses s'annonçaient moins simples que prévues, humour, livre, carl aderhold
10/09/2009
à l'envers
Pour se retrouver à l'endroit.
Si seulement.
Je parlais l'autre jour avec une amie qui rentrait de la Pologne. Elle venait aussi de visiter Auschwitz.
L'année passée ce fut Berlin. C'est pourquoi elle m'a dit : "j'aurais dû commencer inversement".
Je l'ai comprise sans qu'elle me l'explique. Je l'ai lu dans ses yeux et son menton qui tremblait à force d'évoquer devant moi le souvenir des horreurs du camp. L'odeur de cette chambre où les objets confisqués y gisent encore.
Par coïncidence ? je venais d'achever le livre d'Elie Wiesel, " La Nuit, " acheté par hasard ? il y a quelques semaines sur l'étal d'un bouquiniste à Toulouse.
Et j'ai accusé. Les détrousseurs d'âme. Les briseurs de rêves. Les zélés. Et j'assume.
Surtout ceux qui, au-delà des souffrances physiques infligées, ont fait perdre la foi à un enfant de 15 ans qui plus jamais ne se verra vivant dans un miroir.
" La mort de Dieu dans cette âme d'enfant qui découvre d'un seul coup le mal absolu. "
Et j'ai beau fouiller dans les profondeurs de ma conscience, de mon savoir, je ne trouverais rien à lui dire pour le réconforter s'il était devant moi, là maintenant.
Si ce n'est ces mots puisés à la fin du film "American History X" (avec un Edward Norton en mode skinhead ) :
" La haine est un bagage et la vie est trop courte pour qu'on la bousille tout le temps. Ca ne le vaut pas.
Nous ne devons pas être ennemis, mais amis. Quoi que la passion puisse forger, nous ne devons pas détruire notre affection. Les cordes mystiques de la mémoire gonfleront lorsque de nouveau elles se joindront pour certainement devenir les meilleurs anges de notre nature."
11:37 Publié dans lectures | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : elie wiesel, lectures, nazisme, film, vidéo
27/06/2009
la Vague
" cela commence par un jeu et finit en dictature"
Je viens de finir le livre que Bérengère m'a envoyé (encore merci ! ). Durant la lecture, toutes proportions gardées évidemment, j'ai pensé à plusieurs reprises que Camus avait raison de craindre qu'un jour ou l'autre le bacille de la peste peut éveiller ses rats et les envoyer "mourir dans une cité heureuse".
Cette histoire est baseé sur une expérience réelle menée aux Etats-Unis par Ben Ross, un professeur d'histoire un peu excentrique qui s'ingénie à faire comprendre, d'une manière un peu étrange, le mécanisme du nazisme à ses élèves. Pour ce faire, il crée un mouvement expérimental au slogan fort : " La Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par l'Action."
Beaucoup d'entre nous, nous sommes sans doute demandé pourquoi personne n'a essayé d'arrêter le massacre? Comment les Allemands ont pu laisser des millions d'êtres humains innocents se faire assassiner? Comment ont-ils pu prétendre qu'ils n'y étaient pour rien?
Dans ce livre devenu manuel d'histoire en Allemagne, et film aussi je crois, Todd Strasser essaie de donner non La réponse , mais une réponse parmi d'autres possibles.
"Jamais il n'avait souhaité pousser si loin son rôle de leader, mais ses élèves l'y avaient entraîné. Et, en vérité, il n'avait rien fait pour résister. Il devait même reconnaître que, avant que cela tourne mal, il avait apprécié ces moments fugaces de pouvoir. Une salle pleine d'élèves obéissant à ses ordres, le symbole de la Vague qu'il avait créé affiché sur tous les murs du lycée, et même un garde de corps! Il avait souvent lu que le pouvoir pouvait séduire les hommes, et maintenant, il en faisait les frais. [...] Et qui aurait cru qu'un groupe d'élèves sympathiques comme ceux du lycée Gordon pourrait donner corps à un mouvement fasciste appelé la Vague? Etait-ce là une faiblesse de l'homme, qui le poussait à ignorer la part d'ombre de ses semblables? "
16:28 Publié dans lectures | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : totalitarisme, nazisme, vidéo, la vague, todd strasser