03/02/2011
backstage
Avant la fin de chaque semestre, on donne l'occasion aux élèves qui n'ont pas la moyenne de passer des interros supplémentaires pour essayer d'y "remédier". Ils sont pas obligés, c'est chacun selon ses envies. Enfin bref, une élève me prie de l'examiner, elle passe au tableau, je lui donne à traduire une phrase des plus simples, genre "les roses de mon jardin sont superbes", je ne me fais aucun souci, c'est tellement simple que ça devient ridicule. Je la laisse réfléchir, une minute, deux, rien...pas un mot. Je bondis, je me lève un peu agacée et je lui prends le marqueur des mains. A ce moment-là, je sens sa main droite trembler fort...Sans mot dire, j'écris la phrase et je l'invite à regagner sa place, alors que des ressentis et des mots se bousculent dans ma tête "connasse, tu fous la trouille aux élèves maintenant ! ". Je me souviens mes profs de roumain, d'histoire dont on apprehendait l'arrivée, des profs imbus d'eux-mêmes et qui dispensaient leurs cours interminables en dictant d'une voix monotone et sans le moindre souci pour nous, les potaches. Le pire était que l'on devait tout apprendre par coeur et réciter comme des litanies. Des profs isolés, seuls dans leur classe, avec des élèves bien sûr, mais seuls capitaines de la barque, seuls maîtres à bord après Dieu. Ils devaient penser que la classe était le lieu privé où la transmission du savoir relevait d'une sorte de messe pour laquelle un seul officiant suffisait.
Aucun échange, aucune "interactivité" (le mot n'était même pas inventé, je crois...)
Et moi donc ? J'enseigne inlassablement. Je répète à longueur d'année, depuis maintenant plus d'un quart de siècle, presque les mêmes choses. Avec le temps, avec les temps, la passion risque de s'émousser et les réformes successives tendent à niveler par le bas.
Avant, j'enseignais la littérature française. Et même si mes élèves étaient parfois à cent lieus des poèmes dont on devait repérer les synecdoques et les métonymies, même si relever différentes tonalités d'un texte les mettaient sûrement au supplice et qu'ils n'y voyaient aucun intérêt, même pas ludique, je suis persuadée que j'avais, que j'ai eu plus de chances de faire passer aussi quelques préceptes utiles, quelques vérités indispensables (de grands mots, je sais...) et que mon discours frappait leur esprit. Ce qui me paraît de plus en plus improbable à présent, avec des textes sur le chômage, sur les "modèles de base de la société française", sur l'intégration...Ils ne s'en sentent pas concernés et cela les éloigne de moi.
Je les aime pourtant. Je les aimerai. Si longtemps que je partagerai avec eux un peu de cette sensibilité adolescente. Avant que je ne bascule définitivement dans le camp des vieux cons. Car je vieillis, oui, et ils ont toujours le même âge. Leurs mots ne sont plus les miens, leur musique, leurs références culturelles, leur univers donc me semble étrange et étranger.
En outre, l'anglais s'est imposé et le français décline. Aurai-je de nouveau, un jour, un élève qui gagne le Trophée de la Francophonie avec un essai sur les histoires des...pierres ? Quelle qualité de texte, quelle sensibilité, quelle beauté !
Au vu des regards éteints de certains de mes élèves, des regards perdus dans le néant de leur ennui, leur aversion de l'effort, leur difficulté à se concentrer, j'ai de forts doutes.
A quoi bon apprendre, me demanderez-vous ? Pour affronter un monde hostile, violent, qui ne les motive pas, qui ne leur donnera pas à manger...Je pense aussi à tout cela. Mais (une idée qui ne peut sortir que de la tête d'un prof ? ) je ne voudrais pas pour autant qu'ils se privent de certaines chances et qu'ils ratent certaines opportunités qui, peut-être, ne se représenteront plus. J'ai aussi tendance à considérer les études comme une possible voie de salut. C'est peut-être faux, mais il me semble préférable de partir à la conquête de ce monde avec un savoir, même avec quelques diplômes en poche plutôt que les mains vides.
Et ces propos d'Iris Murdoch me réconfortent dans ma conviction :
" Education doesn't make you happy and nor does freedom. We don't become happy just because we are free, if we are, or because we've been educated, if we have, but because education may be the means by which we realise we are happy. It opens our eyes, our ears, tells as where delights are lurking...convinces us that there is only one freedom of any importance whatsoever : that of the mind, and gives us the assurance, the confidence, to walk the path of our mind...our educated mind...offers."
Alors, ils m'arrive de pester, de tempêter pour qu'ils fassent plus d'efforts. Je forme pour eux et avec eux des projets qui, le plus souvent, n'ont d'autre vocation que de maintenir mes neurons à flot...
Je doute donner un jour- même si ça doit être tellement jouissif, valorisant - autant de mon temps, autant d'énergie comme la prof de "Freedom Writers"... mais j'aimerais tant libérer aussi en mes élèves des forces, des talents insoupçonnés et, par mes propos, vibrer de temps en temps à l'unisson avec eux...
En relisant cette note, je me rends compte que je m'étais laissé aller à des mots empreints plutôt de découragement. Mais ce n'était qu'un moment de cafard, de spleen vite oublié. Je sais que je continuerai de faire de mon mieux, en tout cas, et si l'on devait décerner une palme de l'assiduité, je pense que je la mériterais ! Vous remarquerez que mon entêtement n'a d'égal que mon ambition (mon orgueil ? )...Quoi qu'il en soit. Sinon, il vaudrait mieux que je m'en aille planter des choux...
09:30 Publié dans au bahut | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : humeurs, freedom writers, enseignement
06/04/2010
géographiquement vôtre
J'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur d'avoir paraphrasé le titre de la fameuse chanson de Léo pour mes élucubrations, mais je n'ai pas trouvé mieux en ce jour de vacances après deux jours fériés ; )
J'en profite, comme d'habitude, pour lire et tenir la promesse que je me suis faite : au moins un film par jour, j'ai un grand retard à rattraper (vingt ans presque ! ).
L'autre jour, je sors un titre au hasard, "The Brothers Bloom" ( "Une arnaque presque parfaite" ) :
"Deux frères sont spécialisés dans les arnaques de haut vol. Rien n’est impossible pour eux et les mises en scènes sont toutes plus spectaculaires les unes que les autres. Lorsqu’ils s’attaquent à une riche héritière excentrique, ils ne se doutent pas qu’ils vont avoir à faire à une charmante manipulatrice qui cache bien son jeu. "
Mark Ruffalo et surtout le cher Adrien Brody, ça doit le faire. Je les suis dans leurs chausses-trappes et fausses pistes aux quatre coins du monde... A un moment donné ils s'envolent pour New Jersey . Je regarde, j'en reviens pas. Arrêt sur l'image. Retour. Play. Non, je rêve pas. Le fameux château de Peleș s'est déplacé en Amérique. Ou alors c'est l'Amérique qui est passée chez nous. Mon grand-père me racontait qu'après la deuxième guerre mondiale, beaucoup de vieux attendaient les Américains pour les délivrer de la peste rouge. Et voilà qu'elle arrive enfin. Avec ses missiles, avec son junk-food et avec ses acteurs et réalisateurs.
Le château, situé près de Sinaïa, fut la résidence secondaire de l'ancienne famille royale, le roi Carol Ier et son épouse Elisabeth. A présent ils est revenu à son successeur, le roi Mihaï de Roumanie et la reine Anna. Roi sans pays et sans couronne, évidemment. Comme moi.
Je continue le visionnement, l'action se déplace en Russie. Seulement voilà, je reconnais le Casino du bord de la mer Noire, à Constanța. Et puis on s'étonne lorsqu'en entendant un Roumain parler français on s'exclame : "Oh, le joli accent slave ! "
Je vous embrasse depuis mon Amérique des Carpates. Mais ne vous attendez pas à ce que je vous offre des hamburgers et du Coca-Cola si vous passez ! Chez nous, on ne rigole pas à table, la preuve, ce petit repas offert hier par une de mes copines.
Bon appétit !
18:08 Publié dans n'importe quoi | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : cinéma, humeurs, vidéo, roumanie
18/03/2010
oups...I did it again !
Breaknews : pour mes amis blogueurs de OB, je ne peux plus, pour l'instant, vous laisser des comms depuis chez moi, tout se bloque dès que je clique sur le lien.
Un nettoyage de printemps s'impose !
Après que j'irai mieux. Vous allez me prendre pour une abrutie, mais j'ai encore attrapé froid, comme je suis pas discipliné, "ce qui fait mon charme" (Merci Ed : ) ) c'est en plein milieu de la semaine cette fois-ci !
Sinon, une élève m'a apprise hier , pendant que l'on parlait gastronomie et convivialité, qu'aux Etats Unis, lorsque l'on demande le sel on reçoit aussi le poivre, car on considère que " salt and pepper are married and they travel together".
Je vous embrasse et vous laisse écouter cette chanson de Lôlô (du groupe Lôlô sy ny tariny) , ami croisé sur le net et qui, il y a quatre-cinq ans, a abandonné son métier d'ingénieur pour se re-consacrer à sa passion : la musique.
10:19 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : n'importe quoi, humeurs, blog, amour, vidéo
22/03/2009
pas devant l'écran
Tiens, tiens, te revoilà! Je savais que tu allais revenir. Dès que ça commence à sentir le printemps, tu te mets à frémir. C'était quoi encore? La grisaille? Ton collègue hypocondriaque? Ou bien t'étais voir ailleurs si le ciel était plus clément? Ne t'avais-je pas maintes fois dit de ne plus courir les boutiques pendant les soldes, de toute façon tu tombes toujours sur le truc le plus cher de tout le bazar . De ne plus lire les conneries de Beigbéder sur les amours sans durée, tu sais bien que tu couriras à ta perte la prochaine fois, ton sourire béat affiché sur ta frimousse. Je sais que les larmes te vont bien, mais il faut pas exagérer, bon sang! Y en a marre de tes chansons désolantes et dures, de tes gamineries. Allez, arrête de faire ton Ariane, regarde plutôt ce printemps généreux qui dispense un si joli soleil . Au fait, pourquoi tu as déserté nos rendez-vous quotidiens, pourquoi tu n'as pas répondu à mes messages? Je n'ai pas pu. Tu parles! Et ces tâches d'encre sur tes doigts?
P.S.- Tu m'as manqué.
Radiohead- Creep
14:04 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : printemps, humeurs, vidéo, radiohead
13/02/2007
Ouverture...
Je voulais un blog... donc il fallait forcément choisir d'abord un titre.
Un titre qui ne soit ni trop long, ni trop prétentieux, ni trop gnangnan ou eau de rose.
Ce titre a jailli un matin, lorsque j'ai posé le regard sur ces deux figurines enlacées que l'on m'a offertes à Noël.
D'habitude on y met le sel et le poivre, mais moi je les garde précieusement sur mon bureau.
Leur image a fait ressurgir mon conte préféré du temps où je souriais sans rides.
C'est l'histoire d'un roi dont la fille cadette lui déclare un jour : "Je t'aime comme le sel dans les plats." Il est très vexé et il la relègue à la cuisine où elle commence à lui préparer des plats sans sel...
Essayez d'imaginer... pourriez-vous en manger ? Des plats fades, maladifs, qui ne font pas briller nos yeux, qui ne donnent aucune envie d'y goûter, qui laissent indifférents nos sens.
Si un jour on nous interdisait le sel, on ouvrirait fébrilement le placard pour épicer un peu notre vie, pour lui rendre le goût, la saveur.
Avec un peu de poivre, par exemple !
18:00 Publié dans Ecriture | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : femmes, écriture, humeurs, journal intime, journal personnel