29/06/2009
la charité
13.1 Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas la charité, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit.
13.2 Et quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j'aurais même toute la foi jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien.
13.3 Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien.
13.4 La charité est patiente, elle est pleine de bonté; la charité n'est point envieuse; la charité ne se vante point, elle ne s'enfle point d'orgueil,
13.5 elle ne fait rien de malhonnête, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s'irrite point, elle ne soupçonne point le mal,
13.6 elle ne se réjouit point de l'injustice, mais elle se réjouit de la vérité;
13.7 elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout.
13.8 La charité ne périt jamais. Les prophéties prendront fin, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra.
13.9 Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie,
13.10 mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra.
13.11 Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant.
13.12 Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face; aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu.
13.13 Maintenant donc ces trois choses demeurent: la foi, l'espérance, la charité; mais la plus grande de ces choses, c'est la charité.
J'ai eu envie de publier ce texte car c'est l'un de mes préférés. Et parce qu'aujourd'hui chez nous c'est la fête des saints Paul et Pierre.
Petru et Pavel en roumain.
Immanquablement je pense en ce jour à mes grands-parents, Petre et Petria, que j'ai aimés discrètement sans jamais le leur dire. On n'avait pas l'habitude à l'époque de trop user de ces mots.
Petre. Il s'enorgueillait pendant les vacances de voir ses petits-enfants papilloner autour de lui, prêts à lui donner un coup de main ou à écouter, les yeux écarquillés, ses histoires de guerre. Après avoir travaillé dans une mine, à la retraite il s'est consacré à l'artisanat. J'aimais parfois, assise dans un coin de son petit atelier, observer ses mains façonner un objet. Peu à peu la planche perdait de sa rugosité, s'arrondissait, devenait un pied de chaise, une porte d'armoire ou le dessus d'une commode. Même la table ronde autour de laquelle on se réunissait le soir avait été polie par lui. Ses bras ressemblaient au tronc rugueux des glycines qui dégageaient un parfum divin de nature à attirer les gros bourdons noirs qui s'y posaient pour, inlassablement, s'enivrer de sucre.
Petria, sa femme, s'occupait de tout le reste. Ménage, jardin, basse-cour. Il y avait le chien, le chat, les poules, la vache, les fleurs dans la véranda, le bain du soir, les prières, les contes, toujours les mêmes. Ses légumes et ses fruits dont profitaient tout visiteur et même les passants. Elle connaissait tous les champignons, toutes les plantes et nous soignait avec des tisanes et des pommades dont elle était la seule à detenir le secret.
Elle a été la personne la plus charitable que j'aie jamais connue. Avec tout ce que ce mot recueille comme sens: altruisme, bienfaisance, humanité, miséricorde. Même les gitans du voisinage l'adoraient. J'ai hérité ses yeux bleus. Mais il m'a fallu du temps pour me réconcilier avec la générosité inconditionnelle, mise à mal par une société en plein bouleversement, par un vécu moins épargné par des expériences assez désagréables.
Après avoir vu le film "Filantropica", je ressentais une certaine malaise devant les mendiants, je ne pouvais plus chasser de mon esprit le monde obscur d'une vraie mafia et le visage de cet escroc intelligent "textier" officiel de la mendicité bucarestoise, dont la réplique favorite était:
" La main tendue qui ne raconte une histoire, ne reçoit rien. "
Oui, il m'a fallu du temps, il m'a fallu entendre dire un jour monhommelointain " je donne beaucoup aux pauvres, je garde peu d'argent" pour me réveiller à l'amour du prochain. Pour ne plus juger. Désormais, je donne si j'ai envie, tant et quand j'ai envie. Parfois une petite pièce, parfois un gros billet. J'essaie d'offrir aussi un sourire, un mot, un geste, un pain, une pomme, une fleur.
Avec l'espoir naïf que, depuis son éternité, ma grand-mère me voit et m'adresse, encore une fois, son sourire bleu.
16:35 Publié dans Ecriture | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : amour, foi, bible, charité
Commentaires
Bonsoir,
Oui, la charité est certainement une très belle qualité humaine. Mais, on lui attache trops souvent une vision condescendente des relations humaines et un côté matèrialiste. Je crois quelle atteint son stade ultime avec le don de soi. Je me donne à l'autre pour l'aider, le supporter, le vivre. Et ça, cela s'appelle l'amour de son prochain!
Tes grands parents "taient peut être simple. Ils étaient tous simplement plein d'amour de la vie et des autres. Je crois qu'il y a une sorte d'hérédité culturele à ce genre de qualité.
Mais cette grandeur d'ame est très fragile. On risque de la perdre quand elle est trahie! C'est là que le sujet touche au paradoxale : plus on se donne, plus on prend le risque de ne plus pouvoir donner et d'être détruit!
Amitiés.
Écrit par : psganarel | 29/06/2009
Tu as raison: ce texte, quand on le lit avec attention, en s'arrêtant à chaque verset pour essayer d'en tirer tout le fruit...ce texte est très fort, très nourrissant
Le hic c'est qu'on ne le prend pas au sérieux...
Merci de nous le remettre en mémoire
Écrit par : Coumarine | 30/06/2009
j'ai beaucoup apprécié ton article... waouhh... et je crois que de là-haut ta grand-mère te voit... chaque jour
Écrit par : charl' | 30/06/2009
"charité" a pour moi une connotation bien trop religieuse. Mais j'essaie de donner, de partager, en fonction d'une équité qui m'importe beaucoup, selon des principes inculqués eux aussi par mes aïeuls. Mais nous vivons dans une société capitaliste qui encourage plutôt l'égoïsme...
Quelque soit le texte qui nous porte, l'essentiel est d'essayer de lutter.
Écrit par : Ed | 30/06/2009
Quel bel hommage à tes grands-parents... Ma grand-mère ressemble étrangement à la tienne, elles se seraient entendues à merveille !!
Écrit par : ysa | 30/06/2009
J'ai hérité ses yeux bleus...
quel magnifique hommage !
Écrit par : bérangère | 30/06/2009
psganarel> Bienvenue! J'aime ton commentaire lucide, sensé. Mes grands-parents étaient sûrement étrangers à ces gestes de bienveillance qui caractérisent, par exemple, certains hommes politiques roumains qui se souviennent des autres à Noël et à Pâques et sous les regards des journalistes. Mais là aussi je suis en train de juger et je me suis promis de ne plus le faire. Il y a peut-être des marches dans ce don, la première étant la compassion, la dernière, la plus haute, l'amour. Entre elles, des attentes, voire des désillusions parfois. Mais un seul sens. J. Mauritain disait que "l'histoire du monde fait des progrès dans le bien que dans le mal". L'important c'est, à mon avis, de ne pas rompre le contact avec la joie de la vie. De ne pas s'aigrir. La sagesse des proverbes roumains montre souvent que s'aventurer sur le territoire du bien c'est comme si on marchait sur un terrain miné.
Amicalement.
Coumarine > Il y a des gens qui pourraient sourire à la lecture, se dire que c'est un peu trop pathétique. Ou naïf. Peut-être , je n'en sais rien, chacun sa croyance, chacun son combat. Il y a des pièges, des limites, des tentations dans la vie. Il n'y a aucune vertu qui soit absolue, même pas la vérité, il nous faut du bon sens, de la sagesse, de la volonté pour éviter certains "égarements". Bon, j'espère que cela ne ressemble pas à un sermon, ce blog n'a pas une vocation disons religieuse, j'y mets tout simplement ce qui est cher à mon âme. Ce qui, d'une certaine façon, m'aide à avancer.
charl' > J'aime quand tu fais "waouhh", j'ai l'impression d'entendre l'enfant en toi. Je t'embrasse.
Ed> Tu as raison et j'ai cherché dans le dictionnaire ce mot, il faut lui accorder le sens le plus large possible sans le cloisonner dans le religieux. D'ailleurs, je suis dubitative, dans la version roumaine du même texte, le mot utilisé est "amour" qui, je crois, correspond mieux. Je vais me renseigner, demander à des personnes autorisées pourquoi à leur avis cette différence.
ysa > Sourire. La tienne préparait, elle aussi, des remèdes "magiques"? Bienvenue chez moi.
bérangère> Oui, avec ma mère, on est les seules héritières de ces yeux : ) Quant à la générosité, j'ai encore du chemin à faire. Merci. Je t'embrasse.
Écrit par : Dana | 30/06/2009
j'aime beaucoup ton texte , très bien écrit
On confond en effet "charité " et misérabillisme , c'est differrent , j'aim ce rapport aux autres que tu nous dicte , et tes grands parents ... ce sens inné du don, sans y réflechir
Souvent je regrette que la charité devienne si cérébrale , il faut y voir le coeur , rien d'autre , donner en fonction de ses envies , des besoins de l'autre , sans chercher à se justifier , ni même à savoir ce que l'autre fera de ce don
Il y a quelques semaines , j'ai offert un bijou à une amie , elle l'avait porté sur quelqu'un d'autre, elle l'aimait
Elle l'a cassé quelques jours plus tard , hasard ..
Elle devait ma le redonner afin que je lui répare , elle ne l'a jamais fait
elle ne portera jamais ce bijou , dommage , mais je lui lui ..donné
Bises ma Dana
Écrit par : Jeanne | 01/07/2009
Il y a quelques années, ma chére épouse a voulu " faire quelque chose pour un jeune africain" . Nous avons donc parrainé un enfant pour qu il apprenne a lire par l intermédiaire d une organisation.Tous les ans nous recevons sa photo avec quelques mots écris en Anglais.
Cet enfant est déja bien dévelloppé, mais ses progrés dans cette langue me semblent tellement lents..." Que ferons nous si un jour il vient frapper a notre porte"?. ais je demandé a ma Chére Epouse. Question restée sans réponse.
J aime aussi beaucoup la description de la vie de tes grands parents. Autrefois quand j allais en Roumanie , ma Copine m a souvent emmené dans sa famille a la campagne chez des gens simples mais au coeur généreux.
J en garde un souvenir merveilleux.
Amicalement Latil
Écrit par : Latil | 01/07/2009
J'aime te lire et sentir l'humanité qui est en toi. Je vois du bleu, le bleu de tes yeux, ceux de ta grand-mère...
Je t'embrasse
Écrit par : Chriss | 03/07/2009
j'ai tout lu.... et j'ai aimé particulièrement ton long texte.. j'avais l'impression d'être près de toi et de te découvrir..Un hommage à tes grands parents, à leur façon de vivre, de penser...et l'héritage qu'ils t'ont laissé !!
tout cela est très beau... la générosité, c'est difficile... mais j'ai des pulsions qui vont dans ce sens...je donne facilement des objets, des meubles etc..mais est-ce que parce que je n'en ai plus l'usage, ou bien parce que je n'attache aucune importance aux biens matériels ?
bien sûr être généreux n'est pas simplement donner des biens !!! il faut aussi l'être avec le coeur, apporter du soutien moral ou physique à quelqu'un !!!
bises Dana
Écrit par : loula | 04/07/2009
Jeanne> " sans chercher à se justifier , ni même à savoir ce que l'autre fera de ce don " c'est la phrase la plus juste à mon avis, c'est avec quoi j'ai dû "lutter", oui, donner et puis l'autre en fera ce qu'il en veut, heureusement j'ai eu et j'ai des amis qui m'aident par leur générosité à m'améliorer, à avoir plus d'empathie. Dommage pour le bijou, mais je t'avoue, je reçois parfois des bijoux de la part de mes élèves que je ne porte pas quand ce n'est pas mon style, mais je les garde dans un coffret à côté de mon lit et je les regarde de temps en temps. Je porte peu de bijoux, une paire de boucles d'oreilles le plus souvent ou un bracelet. Bises ma Jeanne.
Latil > J'aime bien quand tu l'appelles "ma Chère Epouse" : ) J'espère que le jour où le jeune Africain viendra frapper à votre porte tu nous en feras part. Vous trouverez sûrement un langage commun, et puis peut-être qu'il parle mieux qu'il n'en écrit, c'est aussi mon cas pour l'anglais. Amicalement.
Chriss> Merci encore pour ta tendresse, je vais devenir un enfant gâté ! J'aime aussi le bleu, mais je pense parfois à changer la couleur du blog, c'est trop posé quand même : ) Je t'embrasse et te souhaite un bon voyage et d'excellentes vacances.
loula> Quand j'étais petite et que je passais les vacances chez eux je pensais pas à tout cela, ce n'est que plus tard, adulte, que je me suis rendue compte de l'étendue de leur âme. D'ailleurs, le verbe que ma mère emploie immanquablement lorsqu'elle me parle de grand-mère c'est le verbe "partager". Tu as raison, il ne faut pas se contenter à donner de biens, réconforter quelqu'un qui a de la peine c'est aussi très important sinon plus. Bises et bon courage avec la canicule !
Écrit par : Dana | 04/07/2009
J'ai toujours du mal avec ces beaux mots à teinte religieuse "tout le monde il est beau tout le monde il est gentil" m'enfin bon, mon âge peut-être... Bref.
Je me délecte de ces descriptions intuitu personnae comme tu sais les faire, surtout avec des personnalités comme ceux que tu décris, un régal pour l'imaginaire.
J'aime beaucoup la citation du film, que je ne connaissais pas d'ailleurs. Peut-être y a t-il une part de vérité là dedans ?
Enfin, bravo pour le "sourire bleu". J'adore.
Bises.
Écrit par : Simon | 05/07/2009
Simon > Sourire. Je l'ai déjà dit, je n'attache pas les mots à tel ou tel domaine. D'ailleurs je commence à accorder de moins en moins d'importance aux mots et de préférer les actes, les gestes.
Quant au film, tu pourrais peut-être le trouver en version française, je vais me renseigner, je crois que tu l'aimeras, c'est sûr qu'il y a une part de vérité, moi-même je suis tombée disons dans ce piège.
Tes analyses de texte me manquaient, alors je t'offre une phrase bien "belle" piquée chez Murakami:
"Tu peux être incroyablement gentil par moments. On dirait un mélange de Noël, de grandes vacances et de chiot qui vient de naître." : )))
P.S.- Je pars en vacances, je te fais signe si j'arrive sur ta côte ! Kenavo.
Écrit par : Dana | 05/07/2009
Les commentaires sont fermés.