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11/09/2009

onze

A quoi veut-on échapper lorsqu'on se jette dans le vide à travers une fenêtre située au enième étage d'un immeuble immensément haut ? Que fuit-on à ce moment-là, qui soit plus terrible que la mort que l'on va affronter, parce qu'on sait que l'on va mourir, on a la certitude absolue qu'il n'y a aucune chance que l'on soit vivant après le contact avec le sol, quelques centaines de mètres plus bas. Quel enfer ces malheureux ont-ils vu, quel terrifiant spectacle, quelle abomination qui les ait persuadés que ce grand saut serait une fin plus douce? A quoi voulaient-ils échapper? Au spectacle devenu insupportable de la douleur de leurs semblables ? A la vision des corps mutilés, des chairs à vif, des membres déchiquetés, des visages baignés de sang, des yeux arrachés de leurs orbites, aux cris déchirants d'indicibles souffrances, à l'odeur des chairs calcinées, des cheveux brûlés, à la perspective que ce qu'ils voyaient, quoi qu'il en soit, ils ne pourraient plus jamais l'oublier, que leur vie ne valait plus rien encombrée de tels souvenirs?

Ont-ils vu les avions venir? A quelle distance de l'immeuble ont-ils commencé d'entendre la fureur de leurs réacteurs, de sentir dans leurs corps le vrombissement des moteurs? Et quelles images sont passées dans leurs yeux, quels souvenirs sont remontés du fond de leur mémoire au moment où ils ont compris que dans quelques secondes ces avions fous allaient percuter les murs, pulvériser les vitres de la fragile enveloppe où ils se croyaient à l'abri? A qui sont allées leurs dernières pensées, à quel être cher, quel enfant, quel mari, quel mère, quel frère? Quel Dieu ?

Comment la mort les a-t-elle cueillis? Combien de temps ont duré leurs souffrances, torches vibrantes, plaies béantes? Combien de temps faut-il à un corps pour se vider de son sang? Sent-on la vie s'enfuir avec lui, se sent-on mourir, se voit-on mourir? Quels mots, quels cris, quels regards? Quelles supplications, piétinées par d'autres morts en sursis, quels espoirs, quels désespoirs? Comment mesurer dans un tel moment les chances que l'on a de survivre quand la raison vacille? Comment s'accomoder de l'idée, si l'on est croyant, qu'un Dieu ait permis cela?

Comment s'accomoder de l'idée qu'il ait permis qu'un second avion soit venu se fracasser contre la seconde tour un instant plus tard? Et que ressent-on lorsqu'on sent trembler, vibrer ces immenses carcasses, incomparables symboles d'une puissance inégalée quelques minutes auparavant devenues en une fraction de seconde les lieux de tous les tourments? Qu'éprouve-t-on lorsqu'on sent que le sol se dérobe, que l'édifice vacille, que tout gronde autour? Lorsqu'on voit le plafond se lézarder, se rapprocher, s'effondrer enfin? Que vaut alors une vie ?

 

par mon ami JL, septembre 2001

Toutes ces images vues et revues encore aujourd'hui ne nous ont rien appris, hélas... Bien au contraire, elles ont ouvert un abîme de questions qui resteront à jamais sans réponse.

Tant d'événements récents me font mal, me font peur. Il fallait que j'écrive cela. Pourtant, vous méritez mieux. Zappez cette note et n'en parlons plus ! Quoique, j'aurais eu du mal à me taire.

20:09 Publié dans Ecriture | Lien permanent | Commentaires (9)

Commentaires

Il y a effectivement tous les jours des évènements dont l'horreur nous dépasse. Le génocide du Rwanda, le Darfour, la Malaisie, et j'en passe...
Et puis en France où tout semble aller bien, une femme de 32 ans se jette par la fenêtre parce que son entreprise lui fait vivre un enfer moral.
Le monde moderne est bien malade.

Écrit par : Ed | 12/09/2009

Ce doit être aussi terrible que de sentir un raid bombarder la ville où l'on vit...
Ou aussi dramatique que de chercher à fuir un lieu où chaque voisin peut devenir son bourreau...

L'humanité a toujours produit plus d'horreurs que de progrès.
Et chaque progrès est reconverti dans l'horreur.

Écrit par : Didou | 12/09/2009

Ne rien zapper de tes notes , elles sont comme elles sont , ton cri , ne jamais oublier ce jour sombre , gris , noir , de 2001
Redire , sans cesse les horreurs que l'homme est capable de mettre en place , fanas de la mort
Je vibre quand je sais ce que les derniers mots échangés sur les portables des avions et des tours résonnent comme des bombes dans la tête de ceux qui les ont reçus


Dana , si tu passes chez moi , tu seras ......contente je crois

Écrit par : Jeanne | 13/09/2009

Je réagis d'abord à cette note. Tant de questions puisque nous n'y étions pas. Je n'oublierai pas ce jour comme beaucoup. (le comble c'est que mon patron a son anniversaire ce jour là). Bon dimanche.

Écrit par : elisabeth | 13/09/2009

Hélas les hommes sont capables de telles atrocités.
Pourquoi? au nom de quoi sont-ils capables d'en arriver là?
Il y a tant à faire pour que la vie soit plus belle

Écrit par : Marie Camille | 13/09/2009

Il ne faut pas se taire quand quelque chose brûle en soi. Tu l'as écrit et c'est bien. C'est tout.

Bises.

Écrit par : Brigitte | 13/09/2009

Ed > Le sentiment d'impuissance est l'un des plus difficile à assumer et j'admire ceux qui réagissent par quelque moyen que ce soit, parole, soutien, manifestations...J'espère que la crise roumaine ne va pas augmenter le nombre de suicidaires, bien que les nouvelles soient sombres.

Didou > Bienvenue. Pour l'instant la Roumanie est tranquille de ce point de vue, mais on a eu dans certaines régions des bagarres avec les hongrois qui sollicitent l'indépendance d'un certain territoire, on a entendu les raids en Serbie...
L'humanité sans fard est vraiment terrible.

Jeanne> C'est ce qui me fait vibrer aussi. Et on espère que cela ne va plus jamais se répéter et puis on constate que rien n'arrête la marche vers la violence et la destruction.

J'ai vu ! Dommage que tu ne voies pas mon sourire. Je t'embrasse fort, très chère Jeanne.

elisabeth > Même si l'on y avait été, nos questions n'auraient pas eu de réponse. Même récemment j'ai lu des articles avançant toutes sortes de théories plus ou moins saugrenues affublées de terme de "vérités".
Ma meilleure amie est aussi né un 11 septembre : )

Marie Camille > Bienvenue ! Je ne saurais te répondre, il y en a qui s'en chargent, mais souvent il ne font qu'amplifier l'incertitude et semer la peur dans un trop plein de paroles et un désert d'idées.

Brigitte > Au fait, c'était une lettre écrite par un de mes amis, un cri que j'ai pensé libérer. Gros bisous.

Écrit par : Dana | 14/09/2009

Se sentir impuissant devant un tel évènement, c'est normal et depuis quelques jours je suis mal à l'aise et je me dit pourquoi ais-je fait ce billet... Une conversation avec ma soeur le matin " tiens ça fait 8 ans que je suis venue, tu te souviens ?" et on reparle de nos souvenirs, mais surtout de la catastrophe alors j'ai eu envie de l'écrire ... Tu as bien fait de nous raconter avec tes mots et ceux de ton ami, toute l'horreur, tous ce que finalement on n'ose pas, on ne sait pas dire... Depuis une semaine c'est moi qui n'osait pas, ou plus aller sur les blogs qui parlaient de ce drame, tu imagines....
J'étais comme coincée... L'année dernière, pas de blog juste des conversations et ce n'est pas du tout pareil...
Là les conversations lorsqu'elles sont écrites ont une portée différente....
Bises à toi
ici le temps est tout triste, mais triste...

Écrit par : Virginie | 17/09/2009

Virginie> J'avais retrouvé la lettre de JL en rangeant mes "souvenirs", alors je me suis dit que, peut-être, elle pourrait remuer aussi des consciences; un peu, comme un grain de sable dans le désert.
Chez nous le temps fraîchit aussi et le froid commence à s'engouffrer dans les narines, mais l'automne reste clément. Je t'envoie des pensées ensoleillées.

Écrit par : Dana | 17/09/2009

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