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18/06/2009

meert-veilleux

Quel vacarme! Le quartier frémit du bruit des pages des livres tournées par le vent, négligemment rangés sur les étals des bouquinistes du vieux marché. Les bottines Richelieu empruntent les allées étroites de la foire de dimanche et, depuis les jardins Vauban parviennent les sons de la musique "expérimentale" des chanteurs de week-end qui ne demandent que quelques centimes et une oreille bienveillante. Les vélos roulent paresseusement dans des zones interdites, les couples de dimanche trimballent de cabas débordant de légumes et de bouteilles de vin, les enfants jouent à la marelle, les arabes inventent des rimes pour vendre leurs dattes et leurs olives.

Je m'arrête toujours devant la petite chocolaterie construite au milieu de XVIII-ème siècle et qui garde encore le style flamboyant désuet de l'époque de Delcourt, son fondateur. Elle est située à l'intersection de la Rue Esquermoise avec le Boulevard National et représente comme un passage vers la zone exclusiviste du Vieux Lille où la bourgeoisie nordique promène les bichons assortis au cabas et les touristes anglais achètent d'une manière compulsive.

 Les pluies de dix secondes éveillent de plus en plus la ville qui commence à fourmiller de chers et tendres, de divas, hallucinant tourbillon de personnages très frenchy; des étudiants à l'Ecole Supérieure de Commerce avec leur coiffure d'Elvis modernes, le polo Lacoste négligemment porté autour du cou et le chemise bleue zadig&voltaire, les petites bourgeoises vêtues de gris et coiffées à la Hepburn,des sénégalais fashion qui font leur prière chez Quick, les vendeuses de gauffres, les activistes de Greenpeace qui s'aguichent à toi et insistent inutilement de te convaincre pendant dix bonnes minutes et que tu refuses poliment, avec le sourire.

 Faute de mieux, cette ville est mon matrioska.Mon amant, mon réfuge, mon camarade d’ivresse.

C'est ma ville, cette ville intoxiquante, folle elle est mienne, elle n'appartient qu'à moi, une ville rien que pour moi, je l'adore et elle m'adore, me déchire, me rend malade, je la déteste et on se querelle affreusement, mais on se réconcilie comme la mer et le rivage dans les accords d'une chanson assez moche qui se demande " sur quel néant glissera ma vie". Elle devrait réaliser sa chance de m'avoir, prendre soin de moi, me poursuivre comme un psychopate, me maudire comme un amant jaloux et écraser mes pas sur les trottoirs qui sentent l'Afrique.

Elle me laisse m'égarer dans les rues de Haensel et Grettel histoire de me punir pour mon ignorance, son orgueuil ne lui permet pas de me demander quoi que ce soit. Je lui offre des heures, des jours, des pas et de l'âme , pourtant elle m'abandonne sur le Boulevard de la Liberté, elle se moque de moi quand je vais de Beaux-Arts à Flandres pour arriver sur la rue NationalePourqoui aurais-je confiance en toi, ville bête que tu es? Tu m'enivres avec tes odeurs de canelle, avec tes éléphants indiens, tu me dragues avec tes mignons cafés, pourquoi m'abandonnerais-je à ces ruelles qui racontent trop d'histoires, offre-moi tes pierres et je t'offrirai mon coeur.

Laisse-moi être une diva, donne-moi un réverbère sous lequel je puisse danser pour toi, donne-moi un podium et je chanterai sur la main qui caresse mon sommeil, jette-moi en toi que je sois ton ombre,  fais moi des câlins avec ta pluie quand la passion aurait trop échauffé mes pieds de ballerine. Laisse - moi sans sentiments, sans sensations, vole mes pensées, mes larmes, et même mes éclats de rire. Vide-moi ! Et des fois, quand je me balade, tout simplement, le sac à dos, le tête dans les nuages, fais- moi sourire, tout simplement.

ll faut que je rentre. Je laisse derrière moi une boîte de conserves remplie de poussière d'ange. Demain je vais offrir des billets gratuits au spectacle de la vie sur la Grande Place et après-demain je vais aider les non-voyants à traverser l'intersection Rue Nationale avec la Rue Béthune.

pour Bérangère, she knows why, les élucubrations d'une jeune étudiante Roumaine - ma fille- égarée dans Lille (j'ai essayé de traduire le plus fidèlement possible, mais c'est dur...)

Commentaires

Je pourrais m'essayer à un commentaire aussi poétique mais pourquoi. J'ai lu et relu découvrant à chaque lecture, un coin de rue, une image, un visage...Lille, ma ville, celle qui m'a vue naître mais qui ne verra certainement pas mourir...

Merci à toi, à ta fille...

et le titre...une douceur de la rue Esquermoise n'est-ce-pas ? Tu sais que c'est une institution à Lille ?

Écrit par : bérangère | 18/06/2009

Dana, je viens de lire ton texte.. je vois en toi une poétesse . Tu as un vocabulaire très riche, et beaucoup d'amour pour ta ville..
Je ne suis allée qu'une fois à Lille; mon mari a de la famille là-haut... mais j'aurais aimé la connaître vraiment et la découvrir avec tes mots ... bravo pour ton texte... à bientôt

Écrit par : loula | 18/06/2009

Cette ville où je vais souvent et que j'aimais déjà comme la mienne, parait encore plus attirante sous ta plume et depuis ta R. ;)

Écrit par : P_o_L | 19/06/2009

Ta fille a beaucoup de talent et surtout elle sait observer. Devrait faire du journalisme. Tu peux me l'envoyer. (Bravo à toi qui a su traduire ses mots au plus près)

Écrit par : BT | 19/06/2009

Je ne suis pas sûre de suivre. Tu n'avais pas dit que ta fille était à Toulouse ?
Est-elle en train de voyager ?
Magnifique texte en tous cas. Qui donne envie d'être à nouveau étudiante, immergée dans une ville étrangère que l'on s'approprie avec beaucoup d'émotions.

Écrit par : Ed | 19/06/2009

bérangère> Ravie si cette balade inédite dans ta ville natale t'a plu. Oui, c'est en rapport avec la chocolaterie Meert, celle dont le spectacle visuel attire tout le temps une foule de badauds (dont moi) comme la porte de Willy Wonka : ) Bisous.

loula> Merci pour tes mots, mais cette fois-ci je n'ai été que l'humble traductrice. Ce n'est pas ma ville, j'y suis allée seulement 4-5 fois pendant mes vacances, ici c'est à travers le regard de ma fille qu'on la découvre. Bien à toi.

P.o.L. > Tu penseras à nous alors la prochaine fois que tu y seras : ) Je t'embrasse.

BT> Venant de ta part, ces mots la feront rougir de fierté.
Elle s'est aussi essayé au blog, tu regardes à gauche, Pink Martini, mais "l'automatique en temps réel" lui occupe beaucoup de temps. Trop même. Je lui transmettrai ton message. Merci pour elle.

Ed> Sourire. Elle a fait sa licence à Lille, à présent elle est à Toulouse pour le master. Elle a la bougeotte :) Je te rejoins dans la nostalgie des années estudiantines. Bises.

Écrit par : Dana | 19/06/2009

atmosphère de Lille très bien dépeinte..la beauté des villes du nord..Pendant deux ans j'y allais 2 jours par semaine pour y travailler!
bon week end Dana

Écrit par : arachnée | 20/06/2009

Like mother, like daughter ;-)
Même finesse et délicatesse de l'observation. Même coeur ouvert et battant.
Emmène donc ta fille avec toi, lorsque tu viendras en Avignon ;-)
Je t'embrasse fort, ma Dana.

Écrit par : M. | 20/06/2009

arachnée> Je me suis sentie, dès les premières balades dans cette ville, sans fayoter, un peu chez moi. Aucune stridence, aucun sentiment de dépaysement. Au contraire, des sourires très bienveillants chez les vendeurs d'olives et de dattes : )

Ma M. > Doublement touchée par tes mots si tendres. Son "style" est un peu plus décalé, plus acide parfois, mais je l'aime trop. Je lui parlerai de ta proposition. Je te serre contre moi, tendrement.

Écrit par : Dana | 21/06/2009

Ça fait un an que j'ai quitté Lille, et, étonnement, un an que je n'ai plus écrit un seul mot. Je suis "où je vis", j'ai la tendance de me dire... Je deviens "la ville que j'habite", mon esprit rêve au rythme qu'elle me cadence.

Je vous remercie pour vos mots encourageants.

Écrit par : Ioana | 22/06/2009

Mais tu portes en toi toutes ces villes que tu as habitées.
Allez, livre-nous "ta" Toulouse, comme dirait BT, j'insiste!!!
Je t'aime.

Écrit par : Dana | 22/06/2009

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