Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/03/2007

Mois de fiel

" Veille à ce que tu ne te fondes pas dans la personnalité d'autrui, homme ou femme" ( Scott Fitzgerald).

C'est le motto de ce roman de Pascal Bruckner, un livre avec une personnalité forte et dangereuse à la fois et où l'on risque de se perdre, pareillement à Didier, le personnage-victime qui se laisse ensorceler par les histoires créées pour lui par Franz, son bourreau.

Malgré qu'il dise à Didier : " Je ne te demande pas grand-chose : seulement d'être un auditoire attentif. Je ne m'adresse donc qu'à tes oreilles, toi, tu ne risques rien. " On constate qu'au fur et à mesure les choses prennent une autre tournure, que ce que Franz raconte sur sa relation avec Rebecca - dont on ne sera jamais si elle est ou non "vraie " - éveille en lui des échos, suscite des pensées et des ressentis que, normalement, il n'aurait pas eus et qui finissent pas l'anéantir.

Telle une araignée, cet infirme impitoyable tisse sa toile de mots empoisonnés.

Fatigué, tout comme Béatrice par la vie "vaine" et "profane" de la vielle Europe, par la monotonie de sa profession et de sa vie de couple  et convaincu que la vraie vie est ailleurs, dans les Indes par exemple, Didier s'était embarqué sur ce bateau fou qui échouera dans une prison d'Instanbul.

C'est cet état d'esprit que Franz exploite. A mesure qu'il fréquente la cabine de celui-ci, véritable "atelier de détraquement sentimental", les sentiments pour Béatrice se rouillent et s'éteignent. Loin d'être un catalyseur, les propos de Franz s'avèrent producteurs d'une errance définitive.

Il ne voit plus qu'une seule voie d'accès à la Vérité : Rebecca. Une Rebecca racontée, une Rebecca des mots, habillement confectionnée et qui inspire à la fois, une horreur et une attirance illimitées.

" Il me fait goûter à sa femme par ses mots", avoue Didier.

Ei il goûte, inlassablement, à ce corps qui induit en lui les fantasmes de la délivrance de son existence sordide, de sa médiocrité bourgeoise. Les fabuleux accouplements que Franz raconte (invente?), la description détaillée des intimités du corps de Rebecca, les scènes d'ondinisme relatées avec une horreur sacrée, tout cela suscite chez Didier la répulsion mais, en même temps, le sentiment que le renoncement à une sexualité normale et l'érotisation du corps tout entier et de toutes ses fonctions sont la voie extrêmement périlleuse mais royale qui mène à la réalisation de toutes les possibilités inscrites dans l'être humain.

Didier se laisse donc envelopper  par le feu artificiellement allumé par Franz et il va se brûler les ailes.

Le lecteur risque de courir le même danger  et il peut céder à la tentation de prendre pour vraies les considérations de Franz sur la vie de couple, incité comme il est peut-être par la tendance générale de notre époque vers un "désordre amoureux" perçu et célébré souvent comme émancipation, comme délivrance du carcan des préjugés mutilants.

Aveuglé par "l'évidence" des propos de Franz, aveuglé aussi par les insatisfactions de sa propre vie, un tel lecteur ne verra plus que la voie empruntée par Didier mène à une impasse qui, au lieu de le conduire au pays des promesses où coulent des rivières de miel, l'abandonneront dans un immense désert, empoisonné de fiel.

                                                  

13/02/2007

Thé...

Je prends souvent mon "dîner" dans une petite cafétéria, nouvellement réaménagée. Je sors pour m'éloigner un peu de mes pensées et pour me réchauffer un peu le coeur, car tout ce décor avec des chaises en cuir vert et aux bras en fer forgé, des hamacs accrochés aux arbres et le gazon vert (en été), une musique douce, agréable convient à mon état d'esprit.

                                                                  

Moi je prends toujours du thé ; je choisis à chaque fois un autre, accompagné d'un petit pot de miel  et de trois petits gâteaux délicats. Mon dernier thé, le "55", était un mélange de thé vert, avec de la peau d'orange, des clous de girofle, du gingembre et de l'ananas.

D'abord, je le respire et les parfums de l'Orient me rappellent les poèmes de Baudelaire :
"des arbres singuliers et des fruits savoureux..."
                                             
Puis je prends une gorgée en laissant voguer mes pensées, et je lis :
"Le thé symbolise la liqueur des gens qui accomplissent un rituel et, pareil aux pluies à verse amenées par la mousson, apporte le calme et encourage la conversation et la détente. Idées et traditions se mélangent délicatement dans la transparence raffinée et légèrement vaporeuse du thé." ( Pascal Bruckner)
                                                            
Je bois une deuxième gorgée, je pense à toi et je lis :
"L'homme est incapable de comprendre la vérité et la beauté avant d'avoir siroté un peu de thé." (proverbe japonais)
                                               
Une troisième gorgée, je pense à toi et je lis :
"L'extase, c'est une tasse de thé et un morceau de sucre tenu à la bouche" (Aleksandr Pushkin) et je me dis que j'aimerais être un de ces morceaux de sucre qui ne se dissout pas facilement dans ta bouche...
                                                                               
Les vertus du thé se répandent en moi  et je me sens revigorée  et je souris en lisant ces mots de Nancy Reagan :
"Les femmes sont comme les sachets de thé. Elles ne doutent de leur force jusqu'à ce qu'elles se réveillent dans de l'eau bouillie."
                                                       
Et je finis la première tasse, je la remplis de nouveau et je me tais ou bien je note toutes ces réflexions qui me traversent l'esprit. Mon amie n'est pas bavarde et l'endroit est presque désert à cette heure-là.
                                                  
Les souvenirs sont là et ce décor tamisé en nourrit le flot, mêlant de la douceur à une amertume jamais douloureuse...
Epices indéchiffrables.
Arômes, saveurs, rêveries...