27/03/2007
(Eclats de) Sel
Printre nori ( Dans les nuages )
Depuis la création de ce blog, je forme souvent des " images salines " comme le personnage de ce livre qu'on m'a offert récemment. Sel(s) de bain, sel de Guérande pour laver mon nez, un pardessus sel et poivre... et puis je regarde sur le blog les mots clés recherchés dans les moteurs : arôme sel, conte sel, saison sur le sel. C'est incroyable la présence du sel dans notre vie, et on n'y fait même pas attention.
Avec une souplesse et une finesse bouleversantes, Sylvie Germain nous fait le don du sel, elle sème ses mots comme autant "d'éclats de sel gemme, des diamants qui n'ont pas mûri."
A travers les rencontres insolites, voire étranges de Ludvik, on redécouvre le goût du sel de la vie, le monde qui n'arrête de respirer malgré nos chagrins et nos ennuis.
Le sel, symbole de pureté, d'innocence mais aussi de feu intérieur et de larmes surgit de partout.
Du tableau de La Cène où il est attiré par la main alourdie de Judas qui "venait de renverser, sans y prendre garde, une salière dont le contenu se répandait sur la nappe. Judas, celui qui a brisé l'Alliance, refuse de devenir le sel de la terre."
Du souvenir des Rois Mages qui ont apporté au divin nouveau né seulement l'or, l'encens et le myrre.
"Il existe encore une autre substance liée au feu et prodigue en saveur et vertus purificatrices. Le sel ! Feu délivré des eaux, gain de pure lumière extrait des antres de la terre. Pourquoi, en effet, auraient-ils fait don de sel à un enfant qui, précisément, apportait au monde le goût le plus vif du sel ?"
Du discours qu'une infirmière lui tient à l'hôpital sur les larmes et la soif :
" Les larmes, monsieur, les larmes ! Je ne parle seulement de celles qui coulent le long des joues, mais aussi de celles qui suintent au- dedans de la chair, qui ruissellent en sourdine dans la gorge, depuis la nuque jusqu'aux reins, et qui se mêlent au sang, au souffle, à la salive, à la sueur. Combien de gens portent au creux de leurs entrailles de longs stalactites de sel lacrymal. Toutes ces larmes qui forment stalactites au fond de nos entrailles, qui nous embuent les songes et la mémoire , et qui se brisent au jour de notre mort, eh bien, elles secrètent le sel de l'oblation. "
De la rencontre avec ce petit enfant semeur de sel sur les ombres des oiseaux :
" Ces ombres sont pareilles à l'éclat des étoiles dans la nuit, les reflets des nuages sur les champs, le sourire des gens qu'on aime : on ne peut pas les attraper mais on peut faire alliance avec eux, leur promettre, - se promettre à soi- même , de ne jamais les oublier. L'amitié, c'est pas seulement avec les gens qu'elle s'établit, c'est aussi avec les animaux, et avec les plantes, les arbres, la lumière, les pierres, le vent et tous les éléments, avec les choses, toutes les choses qui passent et qui sont belles, avec simplicité et bonté. Quand on déclare son amitié à quelqu'un, à quelque chose, on fait un pacte de fidélité, de franchise et de respect. Le sel, on l'offre en signe de bienvenue et d'hospitalité et bien, moi j'en sème sur tout ce que j'aime en signe d'accueil dans ma mémoire, d'invitation dans mon coeur. "
Dans mes ressentis et mes mots...
Dana, semeuse de sel
07:15 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sel, Sylvie Germain, légende, amour, amitié
Crêpes
"Ce jour-là, j'avais déjeuné avec une amie qui venait de divorcer et me disait : "Maintenant, j'ai toute la liberté dont j'ai toujours rêvé." C'est un mensonge ! Personne ne souhaite ce genre de liberté, nous voulons tous un engagement, quelqu'un qui soit à nos côtés pour voir les beautés de Genève, discuter de livres, d'interviews, de films, ou partager un sandwich parce qu'il n'y a plus d'argent pour en acheter deux. Il vaut mieux en manger la moitié d'un que le manger entier tout seul. [...]
Il vaut mieux avoir faim que de rester seul. Parce que quand vous êtes seul - et je ne parle pas de la solitude que nous choisissons mais de celle que nous sommes obligés d'accepter -, c'est comme si vous ne faisiez plus partie de l'espèce humaine. "
( P. Coelho- Le Zahir)
Je garde encore cet espoir insensé que quelqu'un m'aime un jour au point de m'offrir la moitié de son sandwich.
Ou une de ses crêpes...
Le groupe roumain HOLOGRAF :
"Suflet pereche"... (âme soeur)
07:10 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : amour, Zahir, Holograf
13/03/2007
Mois de fiel
" Veille à ce que tu ne te fondes pas dans la personnalité d'autrui, homme ou femme" ( Scott Fitzgerald).
C'est le motto de ce roman de Pascal Bruckner, un livre avec une personnalité forte et dangereuse à la fois et où l'on risque de se perdre, pareillement à Didier, le personnage-victime qui se laisse ensorceler par les histoires créées pour lui par Franz, son bourreau.
Malgré qu'il dise à Didier : " Je ne te demande pas grand-chose : seulement d'être un auditoire attentif. Je ne m'adresse donc qu'à tes oreilles, toi, tu ne risques rien. " On constate qu'au fur et à mesure les choses prennent une autre tournure, que ce que Franz raconte sur sa relation avec Rebecca - dont on ne sera jamais si elle est ou non "vraie " - éveille en lui des échos, suscite des pensées et des ressentis que, normalement, il n'aurait pas eus et qui finissent pas l'anéantir.
Telle une araignée, cet infirme impitoyable tisse sa toile de mots empoisonnés.
Fatigué, tout comme Béatrice par la vie "vaine" et "profane" de la vielle Europe, par la monotonie de sa profession et de sa vie de couple et convaincu que la vraie vie est ailleurs, dans les Indes par exemple, Didier s'était embarqué sur ce bateau fou qui échouera dans une prison d'Instanbul.
C'est cet état d'esprit que Franz exploite. A mesure qu'il fréquente la cabine de celui-ci, véritable "atelier de détraquement sentimental", les sentiments pour Béatrice se rouillent et s'éteignent. Loin d'être un catalyseur, les propos de Franz s'avèrent producteurs d'une errance définitive.
Il ne voit plus qu'une seule voie d'accès à la Vérité : Rebecca. Une Rebecca racontée, une Rebecca des mots, habillement confectionnée et qui inspire à la fois, une horreur et une attirance illimitées.
" Il me fait goûter à sa femme par ses mots", avoue Didier.
Ei il goûte, inlassablement, à ce corps qui induit en lui les fantasmes de la délivrance de son existence sordide, de sa médiocrité bourgeoise. Les fabuleux accouplements que Franz raconte (invente?), la description détaillée des intimités du corps de Rebecca, les scènes d'ondinisme relatées avec une horreur sacrée, tout cela suscite chez Didier la répulsion mais, en même temps, le sentiment que le renoncement à une sexualité normale et l'érotisation du corps tout entier et de toutes ses fonctions sont la voie extrêmement périlleuse mais royale qui mène à la réalisation de toutes les possibilités inscrites dans l'être humain.
Didier se laisse donc envelopper par le feu artificiellement allumé par Franz et il va se brûler les ailes.
Le lecteur risque de courir le même danger et il peut céder à la tentation de prendre pour vraies les considérations de Franz sur la vie de couple, incité comme il est peut-être par la tendance générale de notre époque vers un "désordre amoureux" perçu et célébré souvent comme émancipation, comme délivrance du carcan des préjugés mutilants.
Aveuglé par "l'évidence" des propos de Franz, aveuglé aussi par les insatisfactions de sa propre vie, un tel lecteur ne verra plus que la voie empruntée par Didier mène à une impasse qui, au lieu de le conduire au pays des promesses où coulent des rivières de miel, l'abandonneront dans un immense désert, empoisonné de fiel.
12:20 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : passion, amour, sexe, Bruckner, littérature
11/03/2007
Hamlet
Un philosophe roumain contemporain semble avoir trouvé le responsable pour tout ce qui ne va pas bien dans notre pays.
Vous ne le devinerez jamais : c'est Hamlet !
Lui, qui est incapable d'accepter un état de choses qui contrarie la morale et le bon sens. Il ne comprend pas que le monde a besoin de calme, d'un nouvel ordre, d'une normalité ne fut-ce qu'apparente. Alors que les hommes de cour ferment les yeux et valident le mensonge et le crime, lui, il ne veut pas le faire. Il est le seul à avoir l'âme en peine, à se tourmenter et tourmenter aussi ceux qui sont dispos à ne pas se poser des questions et que le secret du sang versé ne trouble absolument pas.
Lui, avec ses questions, avec ses angoisses, sa tristesse et son deuil irrite, agace, indispose. On a beau lui proposer d’oublier, de se réjouir, d’étudier. De rester dans son espacé privilégié, entouré de ses livres, cet espace exempt du danger de la réalite.
Cet étudiant têtu qui empêche la vie de suivre son cours et vient troubler les eaux ne sait pas qu’à partir du moment où il commence à poser des questions il entre sur le terrain de la politique, cet espace dominé par le mensonge, la haine et le crime.
Il est dangereux, Hamlet. Et tellement naïf ! Il s’imagine pouvoir changer le monde. Il faut donc qu’il disparaisse. Par n’importe quel moyen. Au fait, par les moyens de toutes les époques utilisés contre les intellectuels gênants : conseils malveillants des faux-amis, des scénarios ourdis soigneusement, dénigrement, provocation.
Hamlet est donc le grand coupable. Ce n’est pas le roi, ce n’est pas l’inertie imbécile des hommes de cour non plus ou leur participation active au scénario du mensonge.
C’est Hamlet ! Celui qui refuse de fermer les yeux et veut, de surcroît, ouvrir ceux des autres sur la vérité. Il veut rendre publique cette verité, la dévoiler, la mettre en scène.
Cette publicité de la vérité, ce bouleversement des consciences, tout cela c’est la faute à Hamlet.
Comment une "démocratie fragile" comme la nôtre pourrait-elle supporter un tel personnage ?
(traduction/ adaptation du texte de Gabriel Liiceanu)
18:05 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, Roumanie, démocratie, vérité
23/02/2007
Littérature et Nombres...
Je viens de lire ce roman : "Oncle Pedros et la conjecture de Goldbach" que vous connaissez peut-être.
"Tout nombre pair supérieur à 2 est la somme de deux nombres primes."
Les maths se révèlent dans ce roman comme un personnage surprenant pour ceux qui les aiment, mais aussi pour ceux qui les détestent, les nombres étant porteurs d’une indescriptible poésie. Une histoire avec des hommes fragiles (impairs) et des nombres forts (pairs). Une histoire qui relie le destin d’un enfant curieux à celui d’un oncle très discret.
Et bien que l’éditeur anglais du livre ait offert une récompense de 1.000.000 de dollars, personne n’a encore réussi à démontrer la vérité de cette observation pourtant si facile à vérifier par des essais successifs.
Comme quoi, les choses simples, vraies et importantes de la vie n’ont pas besoin de preuves...
09:20 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, Oncle Pedros, litterature, Goldbach