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18/01/2015

work in progress (2)

 

Il était assis au bout du canapé et était en train de contempler Sarah assise à l’autre bout. Il écoutait d’un air distrait Sarah parler de leurs collègues,  il était occupé à admirer, sous la lumière tamisée, les mimiques de son visage si agréables, si douces, les mouvements de ses mains osseuses,  ses genoux cachant ses jambes repliées sous son torse recourbé dans le canapé. Il contemplait dans un état d’hypnose ce panorama mouvant qui ondulait devant ses yeux et l’attirait vers lui avec une force irrésistible comme la lumière absorbée  par un trou noir ; il avança le torse vers Sarah, mit sa main sur  son avant-bras et dit : - Sarah ?

 

Sarah continua de prononcer encore quelques mots tout en le regardant. Son visage s’enquit : que veut-il dire ?

 

-Sarah ? Il le redit sur un ton nonchalant. Sarah arrêta de discourir, son visage arqué en un point d’interrogation. Ils se regardèrent. Un instant s’écoula, un siècle passa. Ils s’approchèrent l’un de l’autre. Leurs lèvres se touchèrent, s’unirent, se mordillèrent. Keyvan sentit le parfum de Sarah, il la prit fort dans ses bras et sentit ses osselets, son corps si fragile contrastant avec le caractère dur de cette fille. Il toucha ses omoplates et il glissa ses doigts dans les cheveux de Sarah, il les tira détestablement. Ce baiser interminable, cette alliance colorée de tous les sens : le toucher, l’odorat, le goûter figea le temps: les instants s’envolèrent, les siècles passèrent. Ils se touchaient, ils se découvraient de nouveau, autrement, les mouvements des caresses suivaient une parfaite harmonie non exercée, venant d’un instinct existant ou créé chez eux. Les instants, les décennies passaient…

 

…Ils  perdirent haleine, de ce baiser sempiternel, de cette union infinie et en même temps éphémère. Ils se regardèrent un instant. Ce regard gêna Keyvan ; l’heure n’était pas à la besogne des yeux mais à celle des membres  et de la peau, du toucher, de l’ouïe et de l’odorat…  Il posases lèvres sur le manubrium osseux de Sarah. Elle caressa les joues de Keyvan ; il posa sa tête sur sa poitrine et ferma les yeux. Sarah commença à  lui cajoler la tête et la serra contre elle. Elle avançait ses doigts dans ses cheveux et fouillait d’une dynamique calme et régulière. Keyvan entendait les battements de son cœur, il était juste sous son oreille.  Il n’y avait qu’un parapet, un os fragile et mince, qui le séparait de l’extérieur. Cette pensée attendrit davantage Keyvan. Il glissa ses bras autour de son torse et la serra. Elle s’allongea sur le canapé. Ils prirent une position plus confortable et restèrent comme cela, dans le silence, enveloppés dans la lumière tamisée du salon, coupés du monde : pas le moindre bruit de l’extérieur, pas le moindre mouvement, donc pas de temps, pas de dimension. Rien, néant, que lui et elle…

 

Sarah bougea, une minuscule impulsion. Keyvan mit sa main sur sa poitrine, il n’avait envie de rien d’autre, il n’avait pas envie de Sarah. Son sentiment pour Sarah était beaucoup plus important, de telle sorte que tout autre chose pâlissait. Il ne voulait pas aller plus loin. Ce fut tout, ce fut le néant et l’être : l’éternité. Rien d’autre.