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08/11/2009

backstage

De temps en temps j'endosse mon habit d'inspectrice pour assister au cours de tel ou tel collègue. C'est le passage obligé pour ceux qui veulent accéder à un échelon supérieur , que de se faire "évaluer" par des profs plus âgés  censés avoir un peu plus d'éxpérience.

 

C'est ce qui est arrivé la semaine passée lorsqu'une collègue d'un lycée voisin m'avait invitée de la suivre pour une journée. Je l'avais connue il y a quatre ans quand elle travaillait chez nous et j'appréciais beaucoup son intelligence et sa fraîcheur.

A un moment donné, j'ai entendue la Principal(e) lui dire : "Comme tu as maigri !" . J'ai lévé les yeux de mes paperasses et je l'ai considérée. C'était vrai. Maigre comme un clou. Elle s'est rapprochée de moi et m'a murmuré à l'oreille : "On divorce. Ca fait un an qu'il est parti sans explication. Il n'était pas prêt..."

J'ai eu du mal à me concentrer par la suite. Je me faisais sans cesse défiler le film de son histoire dont elle me racontait de temps en temps des bribes.

Il  y a quatre ans il venait chaque jour la chercher au bahut. On les appelait "les inséparables".

Il y a trois ans ils aménageaient leur appartement et passaient des concours.

Il y a deux ans ils pensaient à faire un enfant.

Et à présent ? " On divorce."

Je la regardais sur son podium de prof. Calme, à l'écoute, souriante. Les élèves ne devraient rien soupçonner de sa détresse.

Malgré qu'elle ne fût plus qu'un chagrin d'amour.

Un espoir gelé.

Une gaieté étiolée.

Un regard légèrement assombri.

Un coeur saignant de partout.

Une stalagmite de sel lacrymal.

Un ami appelle la détresse qui accompagne un amour en partance  "des dommages collatéraux".  C'est vrai, ce n'est pas une maladie. On en meurt pas. Selon le célèbre cliché on a même l'avantage de s'en sortir plus fort. Quelle connerie ! Il suffit de regarder ce petit bout de femme rompue et qui, pour l'instant, a tant de mal à donner une tournure optimiste à ces événements de sa vie. Léo, lui, il a mieux compris que 

" l'on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l'on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l'on se sent tout seul peut-être mais peinard
Et l'on se sent floué par les années perdues "

J'ai offert à ma collègue un 10/10. Pour sa compétence. Mais aussi pour son courage et sa dignité.

Avant de partir, elle m'a offert un bouquet de roses. Je l'ai embrassée en lui disant : " ce con de Beigbéder, il a encore eu raison. Voilà un autre amour immortel qui a duré trois ans."

"Un autre amour immortel qui a foutu le camp" (J. Prévert )

Et on a ri toutes les deux.

 En chemin de retour, j'ai regardé le bouquet - non, je ne vous ferai pas le coup de "Cueillez dès aujourd'hui..." Quoique...- Mais j'ai pensé qu'une fois de plus la vie n'a pas tenu ses promesses. J'ai pensé à un film que je viens de voir, "Perfect Stranger". Une histoire de gens " connected online, disconnected on life". On vit parfois des années avec une personne sans la saisir, sans la connaître. On connaît que ce qu'elle veut dévoiler.

Et lorsqu'elle s'évanouit, allongée sur son lit et caressée par des traces de lune oubliées par la nuit, une femme songe à " l'autre qu'on adorait " et ses yeux se voilent parfois comme ceux d'un acteur en coulisses lorsque les lumières s'éteignent sur les rampes.

 

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